Focus sur... les éditions Le Muscadier

 

Voilà bien longtemps que je n'avais mis une belle maison d'édition à l'honneur, il fallait donc y remédier. Voici un focus sur les éditions Le Muscadier.
Pour en savoir plus, j'ai demandé à Bruno Courtet, le directeur éditorial, de bien vouloir répondre à quelques questions. il a gentiment accepté, voici ses réponses:

1) Quand avez-vous créé votre maison d'édition?
Le premier titre publié par Le Muscadier est paru en janvier 2012 : il s'agissait d'un essai intitulé Altergouvernement – un livre qui regroupait 18 auteur.e.s d'horizons divers (parmi lesquels Michel et Monique Pinçon-Charlot, Paul Ariès, Susan George, Marc Dufumier, Jacques Testart, etc.) autour d'un programme citoyen dont l'ambition était de dessiner un paysage politique et social français plus juste et plus solidaire. La même année, nous avons lancé les premiers titres de la collection Choc des idées – qui propose des ouvrages de débat sur des thématiques sociétales diverses (le nucléaire, la vidéosurveillance, le cannabis, etc.) afin que chacun puisse se faire sa propre opinion. Puis, nous avons publié nos premiers titres engagés à destination des ados en 2013, avec des auteur.e.s comme Julia Billet, Michel Piquemal, Patrice Favaro ou, un peu plus tard, Florence Cadier. En 2015, nous avons lancé la collection Choc santé, qui propose des ouvrages sur des thématiques de santé publique (diabète, dépression, Alzheimer, AVC, etc.), publiée en partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Enfin, en 2016, nous avons lancé une nouvelle collection jeunesse, Rester vivant, dirigée par Christophe Léon, qui publie des romans et des nouvelles à destination de celles et ceux – à partir du collège ou du lycée – qui refusent l'asservissement des esprits.
2) Qu'est-ce qui vous distingue des autres éditeurs? Avez-vous une ligne éditoriale particulière ou bien fonctionnez-vous au coup de cœur?
Dès le départ, la ligne éditoriale du Muscadier était parfaitement claire : en plus de divertir leurs lecteurs, nous souhaitions que nos livres les invitent à réfléchir. À se poser des questions – sur eux, sur la société, sur les grands sujets de notre monde contemporain : l'écologie, la justice, l'égalité... toutes ces idées qui constituent le socle d'une certaine vision humaniste. Qu'il s'agisse d'essais, de romans, de nouvelles, ou même de livres pratiques, nous voulions des ouvrages pour apprendre à s'émanciper. À se prendre en main. À refuser le prémâché quotidien et le prêt-à-penser. Des livres pour s'arrêter. Pour prendre le temps de se poser – dans un monde où tout va trop vite. Des livres pour cultiver le bon sens, en somme.
Au Muscadier, nous avons fait nôtre la phrase d'Étienne de La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire : «Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres.»
Le choix d'un arbre pour le nom de notre maison n'est d'ailleurs pas innocent. Un arbre, c'est d'abord une graine que l'on plante dans une terre fertile et qui pousse, croît, se déploie. Cette symbolique évoque tout naturellement notre volonté de semer dans l'esprit de nos lecteurs de petites graines (nos publications) qui les feront grandir. En outre, notre choix s'est porté sur le muscadier car son fruit est une épice aux saveurs très caractéristiques, et nous aimions l'idée que nos livres allaient épicer la vie de leurs lecteurs. En outre, c'est une épice qui peut rendre fou si l'on en abuse — une manière de rappeler que la frontière entre folie et raison est parfois très mince, et que les livres peuvent aider à prendre du recul par rapport à la folie de nos vies contemporaines...
3) A qui s'adresse vos ouvrages?
Nos livres s'adressent à celles et à ceux qui ont envie de faire bouger les lignes. Chaque ouvrage vise un triple objectif (commun à toutes nos parutions) : d'abord, que son lecteur prenne du plaisir à se l'approprier ; ensuite, qu'il soit prétexte, pour ce même lecteur, à se poser des questions auxquelles il n'a pas forcément été confronté auparavant, et qu'il lui fournisse des clés pour y apporter des réponses simples, saines et bienveillantes ; enfin, que chaque lecteur se dise, en refermant l'ouvrage, «maintenant, tout cela est plus clair pour moi, je vais agir concrètement pour que les choses aillent mieux et évoluent dans le bon sens
Le plaisir de la lecture reste évidemment un point essentiel pour nous – c'est pour cela que nous mettons un soin tout particulier dans le choix des textes littéraires ou dans la vulgarisation des textes scientifiques, médicaux ou sociologiques que nous publions, mais aussi dans la création de nos maquettes. En outre, ce plaisir doit se retrouver tant dans la forme papier du livre (l'importance d'avoir un bel objet) que dans sa forme numérique (aimer lire sur écran ne signifie pas pour autant que l'on soit insensible à l'aspect formel d'un texte) – c'est pourquoi nous mettons autant de soin à réaliser l'une que l'autre.
Le Muscadier se définit comme un éditeur engagé. Aussi ses publications ont-elles vocation à ébranler les certitudes de leurs lecteurs. À titiller leur confort intellectuel. À les sortir de leur conformisme social. C'est-à-dire à déplacer leur distance focale vis-à-vis d'eux-mêmes, des autres et du monde dans lequel ils vivent. Et cela tout au long de la vie. Dès 10 ans – et plus spécialement à l'adolescence, entre 12 et 16 ans, un âge où se construisent et s'affirment les personnalités, le rapport aux autres, et beaucoup d'autres choses –, les jeunes trouveront, dans nos collections Place du marché et Rester vivant, une invitation à s'ouvrir au monde, à parcourir celui-ci, à découvrir d'autres façons de penser, de vivre, d'autres réalités que celles de leur vie quotidienne. D'autres virtualités aussi que celles de leurs jeux vidéo – car le monde réel est parfois pire que tout ce que les scénaristes de Call of Duty peuvent imaginer. Aucun tabou chez nous : nous partons du principe que tous les sujets peuvent être abordés – le racisme, le travail des enfants, la guerre, la violence sous toutes ses formes (psychologique et physique, vis-à-vis des minorités, des handicapés, des animaux, etc.), l'homosexualité, l'égalité homme-femme, l'esclavage moderne... et même des thématiques que l'on n'a pas forcément l'habitude de rencontrer en littérature jeunesse : l'économie et la finance, le suicide, la politique, la religion, etc. Ce qui compte, c'est que la façon dont ces sujets sont abordés soit adaptée au public auquel s'adressent les ouvrages – et qu'on ne les aborde pas gratuitement ou par voyeurisme, mais bien pour inspirer une réaction, une réflexion. Les moins jeunes, quant à eux, trouveront au Muscadier matière à échafauder des réponses à l'épineuse question suivante : «quelle société voulons-nous construire pour demain ?». Nos livres s'aventurent en effet sur de nombreux terrains sociétaux – des défis énergétiques et écologiques à l'athéisme, en passant par la cause animale, les enjeux de la mondialisation, les extrémismes, et même des thèmes en apparence plus badins comme la gastronomie ou les réseaux sociaux. Enfin, s'il est important de prendre soin de son esprit, il n'est pas moins crucial, à tous les âges de la vie, de prendre soin de son corps, et d'être capable de gérer au mieux sa santé et celle de ses proches. Aussi, jeunes et moins jeunes trouveront dans les livres de notre collection Choc santé des informations médicales parfaitement à jour, ainsi que de nombreux conseils pour éviter les soucis lorsque c'est possible, et pour réagir au mieux lorsque ceux-ci surviennent.
L'important, dans tout cela, c'est que nos lecteurs trouvent dans les livres que nous publions des outils (de réflexion, d'action) pour devenir des citoyens à part entière. Des citoyens capables de penser par eux-mêmes, de désobéir et d'alerter quand il le faut. De prendre les bonnes décisions pour eux-mêmes, pour leurs proches et pour la planète. Des personnes empathiques, ouvertes à l'autre et qui prônent le vivre-ensemble plutôt que l'individualisme. Des humanistes doués d'une conscience éclairée, qui refusent les formatages médiatiques, politiques et religieux.
4) Espace de libre expression, vous pouvez parler de ce que vous voulez (actus, prochaines parutions, salons, coup de cœur, coup de gueule etc)
Pour moi, le métier d'éditeur est l'un des plus fantastiques qui soit. Je le pratique avec autant de plaisir aujourd'hui qu'à mes débuts, il y a 20 ans. Ce n'est pas toujours facile – rien qui vaille la peine n'est d'ailleurs réellement facile dans la vie –, mais c'est toujours la même excitation à chaque fois qu'un livre sort de chez l'imprimeur et que je le tiens pour la première fois dans mes mains. Un petit peu comme si je tenais un nouveau-né (et je sais de quoi je parle car j'ai quatre enfants !). C'est un métier de création – à chaque nouvelle parution, c'est comme si je créais une nouvelle vie, un être nouveau qui s'apprête à mener sa propre existence. Ce sont souvent les auteurs qui parlent ainsi de leurs livres, mais je crois bien que l'éditeur ressent des sensations très similaires. Et c'est tellement euphorisant de se dire qu'on permet de distribuer du plaisir, et de diffuser des idées – qu'auraient été Zola, Flaubert ou Maupassant sans Charpentier ? et Diderot et D'Alembert auraient-ils publié leur Encyclopédie sans Le Breton ?
Mon ambition pour le Muscadier est déjà de pérenniser sa production – c'est un combat de tous les jours de stabiliser la trésorerie d'une petite maison indépendante, qui passe notamment par une recherche quasi permanente d'optimisation de la diffusion (car les solutions classiques fonctionnent mal, hélas). Cela passe par un renforcement de notre présence dans le domaine de la littérature jeunesse – avec toujours cette spécificité engagée – et dans celui de la vulgarisation médicale. De ce côté-là, les choses se présentent bien : avec Christophe Léon, nous avons de nombreux beaux projets pour notre collection Rester vivant – le programme de parution de l'année 2017 est désormais bouclé (avec d'incroyables auteur.e.s et de non moins magnifiques textes), et nous travaillons actuellement sur les ouvrages de 2018 ; il en va de même avec mon partenaire l'Inserm, avec lequel nous aborderons en 2017 des problématiques de santé qui concernent beaucoup de nos concitoyens – l'alcool, les virus, les tests génétiques, les polluants et, je l'espère, les nouvelles thérapies des cancers. Un beau programme en perspective, donc.
En outre, nous lançons, dans les tout prochains jours, une expérience originale consistant à investir les pharmacies pour y diffuser nos ouvrages de santé publique. Une opération que nous menons dans un premier temps à l'échelle de la Réunion – grâce à un partenariat exclusif avec une société de distribution locale –, et que nous comptons élargir à l'ensemble du territoire national si l'expérience s'avère concluante.
Enfin, si vous souhaitez nous rencontrer, feuilleter nos ouvrages jeunesse et... faire une cure de bon sens, n'hésitez pas à venir nous rendre visite sur notre stand (B7A) au prochain Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, qui se tiendra du 29 novembre et 6 décembre 2016. Nous vous y accueillerons avec grand plaisir.
J'espère que ce focus vous aura donné l'envie de découvrir les livres de cette maison d'édition engagée qui se bat pour l'esprit libre. Très prochainement, je vous présenterai des titres de la collection jeunesse RESTER VIVANT.
Un énorme MERCI à Bruno Courtet d'avoir pris le temps de répondre à mes questions. 

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